Pseudarthrose tibio-fibulaire inférieure
IRM
Remaniements séquellaires post-traumatiques du profil antérieur de la syndesmose tibiofibulaire inférieure, avec séquelles d'avulsion osseuse et aspect dysmorphique du profil antérieur de la jonction diaphyso-métaphysaire de la fibula.
Arthropathie tibiofibulaire antérieure sévère avec oedème sous-chondral et intraspongieux.
Probable séquelles anciennes d'une rupture du faisceau antérieur de la syndesmose tibiofibulaire inférieure.
Description
La pseudarthrose de la syndesmose tibio-fibulaire distale désigne l'absence de consolidation anatomique après une lésion traumatique de la syndesmose. Issue principalement d'entorses sévères ou de fractures mal réduites, cette condition conduit à une instabilité chronique de la cheville, associée à des douleurs persistantes et à un risque accru d'arthrose post-traumatique.
Physiopathologie
Mécanismes biomécaniques
La syndesmose joue un rôle crucial dans la stabilité de la mortaise. En cas de pseudarthrose, une malréduction ou un élargissement discret de l'espace tibio-fibulaire modifie la répartition des charges sur l'articulation, favorisant un stress excessif sur le cartilage et accélérant la dégénérescence articulaire. Même de légers désalignements (<1 mm) peuvent entraîner une augmentation significative des pressions de contact et contribuer à l'évolution vers l'arthrose.
Réaction inflammatoire et fibrose
La persistance des micro-mouvements induit une réponse inflammatoire locale qui se traduit par la formation de tissu de granulation et d'adhérences fibreuses dans l'espace syndesmotique. Ce tissu cicatriciel, tout en comblant l'espace interosseux, ne rétablit pas une stabilité fonctionnelle et peut entraîner une synovite chronique, source de douleur persistante et de limitation de l'amplitude articulaire.
Facteurs vasculaires
La vascularisation limitée de la région syndesmotique, essentiellement assurée par de petites branches de l'artère fibulaire, compromet la capacité de guérison des lésions ligamentaires. Cette perfusion inadéquate favorise la formation de tissu cicatriciel fibreux plutôt que d'une cicatrisation ligamentaire robuste, accentuant ainsi l'instabilité chronique.
Diagnostic et imagerie
Critères diagnostiques en IRM
L’IRM est l’examen de référence dans l’évaluation de la pseudarthrose de la syndesmose. Les signes directs de la lésion incluent :
- Non-visualisation ou rupture du ligament tibio-fibulaire antérieur inférieur (LTFAI) et/ou postérieur (LTFPI).
- Aspect ondulé et épaissi du ligament témoignant d’un remodelage cicatriciel.
- Signal élevé en séquences T2 ou DP fat sat indiquant un remaniement chronique.
L’étendue des lésions ligamentaires est un facteur majeur : si l’IRM montre que seule l’AITFL est rompue et que le ligament postérieur (PITFL) et le ligament collatéral médial (deltoïde) sont intacts, la stabilité résiduelle de la cheville est meilleure, ce qui suggère un pronostic plus favorable (et possiblement une approche thérapeutique plus conservatrice)
En revanche, la présence d’une lésion combinée (rupture de l’AITFL et du ligament deltoïde par exemple) indique une instabilité plus sévère de la mortaise, souvent associée à un déplacement dynamique du talus sous les contraintes. Une telle configuration aggrave le pronostic fonctionnel et oriente vers une stabilisation chirurgicale pour prévenir une évolution arthrosique rapide. De même, une atteinte du ligament interosseux (IOL) sur l’IRM, se manifestant par un décollement ou un hypersignal étendu dans la membrane interosseuse, témoigne d’une large dissociation tibio-fibulaire et s’associe à une instabilité marquée.
Par ailleurs, la présence de lésions ostéo-cartilagineuses à l’IRM est un facteur pronostique important. Des érosions du cartilage talien ou tibial, des contusions osseuses persistantes, ou des fragments ostéochondraux libres indiquent que l’instabilité chronique a déjà entraîné des dégâts intra-articulaires. Ces findings IRM suggèrent un pronostic plus réservé car l’arthrose post-traumatique est déjà en cours. Par exemple, un œdème osseux sous-chondral au niveau du dôme du talus ou du plafond tibial traduit le stress anormal subi par ces surfaces en raison du mauvais alignement syndesmotique, et peut précéder l’apparition de lésions cartilagineuses irréversibles. Si l’IRM révèle également un pincement articulaire ou des ostéophytes, cela témoigne d’une arthrose installée, ce qui peut orienter vers des traitements plus lourds (tels qu’une arthrodèse) et un pronostic fonctionnel plus limité. En somme, plus l’IRM objective de dommages articulaires secondaires, plus le pronostic à long terme est sombre, même après stabilisation de la syndesmose.
Des séquences 3D à haute résolution et des protocoles optimisés pour réduire les artéfacts métalliques (ex. MAVRIC, SEMAC) permettent également d’évaluer la continuité ligamentaire en post-opératoire.
Comparaison avec d'autres modalités d'imagerie
- Scanner (CT) : Le scanner, notamment en charge (WBCT), permet une analyse fine de la congruence osseuse et une mesure volumétrique précise du diastasis tibio-fibulaire. Des protocoles sous stress ont été développés pour objectiver des instabilités subtiles.
- Échographie : L’échographie dynamique offre l’avantage de tests de stress en temps réel. Toutefois, elle demeure très dépendante de l’opérateur et moins adaptée à la visualisation des structures profondes.
- Radiographies : Bien que classiques, elles présentent des limites pour détecter des lésions isolées de la syndesmose en l'absence de diastasis marqué. Leur intérêt reste néanmoins dans l’évaluation initiale ou en complément d'autres modalités.
Bilan global
La combinaison de l’IRM avec le scanner (en particulier en charge) offre une approche complémentaire permettant de diagnostiquer précisément l’instabilité syndesmotique, d’évaluer les lésions ligamentaires et osseuses, et d’orienter la prise en charge thérapeutique.
Pronostic et innovations en imagerie
Éléments pronostiques en IRM
L'ampleur des lésions ligamentaires (rupture isolée vs. rupture combinée), la présence d’œdème osseux, et la détection de lésions ostéo-cartilagineuses (érosions, ostéophytes) constituent des indicateurs importants du pronostic fonctionnel. Une réduction anatomique parfaite, démontrée par l’imagerie, reste le facteur déterminant pour prévenir l’évolution vers l’arthrose.
Innovations en imagerie
Les récents développements incluent :
- Imagerie en charge et 4D-CT : Ces techniques permettent d’étudier la dynamique articulaire en temps réel et de détecter des micro-mouvements anormaux.
- Séquences IRM avancées : L’utilisation de séquences 3D isotropiques et de techniques de réduction des artéfacts offre une meilleure visualisation post-opératoire, même en présence de matériel d’ostéosynthèse.
- Élastographie en échographie : En phase expérimentale, cette technique vise à mesurer la rigidité des ligaments, différenciant ainsi le tissu cicatriciel d’un ligament en cours de guérison.
Prise en charge clinique
Approche conservatrice
Dans certains cas de faible instabilité, un traitement conservateur (immobilisation prolongée et rééducation fonctionnelle) peut être envisagé. Toutefois, les résultats restent souvent insatisfaisants en cas de pseudarthrose avérée, d'où la nécessité d'interventions chirurgicales.
Débridement et stabilisation
Le débridement arthroscopique constitue une option thérapeutique lorsqu’il s’agit d’enlever les adhérences et le tissu cicatriciel qui empêchent une réduction anatomique. En cas d'instabilité majeure, une stabilisation chirurgicale par fixation (vis ou systèmes dynamiques type « suture-button ») est indiquée.
Les fixations dynamiques, en permettant un micro-mouvement physiologique, tendent à améliorer les résultats fonctionnels et à réduire les complications liées aux fixations rigides.
Techniques chirurgicales et résultats
Les séries récentes montrent que la qualité de la réduction syndesmotique (confirmée par imagerie peropératoire) conditionne fortement le succès à long terme. La combinaison d'un débridement précis et d'une stabilisation adaptée (en fonction de la sévérité de l'instabilité) permet généralement d’obtenir des résultats fonctionnels satisfaisants avec des taux de succès dépassant 80 % dans de nombreuses études.
Conclusion
La pseudarthrose de la syndesmose tibio-fibulaire représente une complication chronique d'un traumatisme de la cheville, entraînant une instabilité persistante et un risque accru d'arthrose. L'IRM demeure l'outil de choix pour diagnostiquer et évaluer l'étendue des lésions, tandis que les approches thérapeutiques – qu'elles soient conservatrices ou chirurgicales – doivent être adaptées en fonction de la sévérité de l'instabilité. Une réduction anatomique précise, confirmée par l'imagerie, est essentielle pour améliorer le pronostic fonctionnel et prévenir la détérioration articulaire à long terme.